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Sélectionné pour le Prix littéraire « Le Monde » 2024
Dans Le cœur ne cède pas (Flammarion, 2022), les lecteurs de Grégoire Bouillier avaient fait la connaissance de la « Bmore & Investigations ». A travers les dialogues de Bmore et Penny, son assistante, l’agence de détectives fictive permettait à l’auteur de passer outre l’interdiction d’enquêter sur Marcelle Pichon. La descendante de cette ancienne mannequin refusait qu’on consacre un ouvrage à la vie de sa tante, retrouvée momifiée dans son appartement après s’être laissée mourir de faim. Les premières pages du Syndrome de l’Orangerie semblent renouer ironiquement avec ce dispositif narratif, les deux acolytes passant en revue les sujets possibles pour une nouvelle enquête : n’y aurait-il pas, en effet, quelque artifice à écrire de nouveau à partir d’un fait divers, comme s’il s’agissait pour l’écrivain d’exploiter un « fonds de commerce » ? L’auteur de Rapport sur moi (Allia, 2002) pourrait-il sérieusement trouver du plaisir à écrire à partir d’histoires qui n’entretiennent avec lui « aucun lien personnel, ni conscient ni inconscient, ni de près ni de loin » ?
Quand on rencontre Grégoire Bouillier, à Dieppe (Seine-Maritime), en août, à un moment où l’euphorie de l’écriture est retombée, son désœuvrement le conduit à douter qu’un fait saillant vienne de nouveau « cogner à [s]a fenêtre » et imposer la nécessité d’un nouveau livre. Si l’on souhaite le contraire, il y a bien du sens, néanmoins, à envisager Le Syndrome de l’Orangerie, selon ses mots, comme son « dernier livre ». Ou à tout le moins comme une somme, tant il y a de ponts entre son premier texte et celui-ci, où la dernière page fait directement écho à la première de Rapport sur moi. Et tant sont nombreuses les références aux scènes, aux personnages et aux questionnements évoqués dans L’Invité mystère, Cap Canaveral (Allia, 2004 et 2008) et Le Dossier M (Flammarion, 2017 et 2019). Une bonne raison de reparcourir son œuvre à la lumière des investigations qu’il mène, dans Le Syndrome…, sur les Nymphéas, de Claude Monet. Et de lire l’angoisse qu’il a éprouvée à leur vue, lors d’une visite au Musée de l’Orangerie (Paris), comme un symptôme de son rapport à l’écriture.
« Je suis un amoureux des faits », aime à répéter Grégoire Bouillier. « J’ai une admiration sans borne pour la réalité, ajoute-t-il, c’est-à-dire pour les choses qui se passent pour de vrai. Le réel me paraît avoir beaucoup plus d’imagination que la fiction, c’est ce qui me fascine. »
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